Groenland Traill O 2014

  • Terre éloignée, difficile d’accès, sauvage et hostile à notre mode de vie malgré des températures estivales clémentes pour cette latitude (0 à 15°C), le nord-est du Groenland n'est pas une destination aisée. Nos 5-6 tentes sont sous la protection de 2 fragiles clôtures censées tenir les ours à distance. Tout ce que j'aime ! Sauf les moustiques...

    A remote land, hard to reach, wild and hostile despite relatively gentle temperatures for this latitude (0-15°C): North-eastern Greenland is not an easy destination. Only two weak fences protect our six tents, hopefully keeping bears at bay. Just what I like! Except for mosquitoes…

  • Terre éloignée, difficile d’accès, sauvage et hostile à notre mode de vie malgré des températures estivales clémentes pour cette latitude (0 à 15°C), le nord-est du Groenland n'est pas une destination aisée. Nos 5-6 tentes sont sous la protection de 2 fragiles clôtures censées tenir les ours à distance. Tout ce que j'aime ! Sauf les moustiques...

    Sauf les moustiques qui, au delà de 5°C et en l'absence de vent, deviennent vite insupportables, la moindre parcelle de peau accessible est prise d'assaut et les vêtements doivent être épais pour résister à leurs piqûres. Prendre une douche n’est donc pas envisageable et quand cesse enfin ce harcèlement grâce au vent, c’est la chute des températures qui nous en empêche. Il y a bien eu un petit bain de mer une fois la banquise disloquée mais dans l'eau à 1°C, on ne traine pas !

    Ce voyage de 5 semaines sur l’île Traill Ø était une mission scientifique organisée par le Groupe de Recherche en Écologie Arctique (GREA). Depuis 1988, des équipes s’y rendent bénévolement afin d'étudier les relations prédateurs-proies des renards polaires, hermines, harfangs, labbes et lemmings à collier. Des relevés de températures, enneigement, état de la banquise, nombre et comportement des ours polaires, sont également effectués. Une multitude de publications scientifiques est le fruit de ces efforts et de la bonne volonté de tout ces bénévoles de divers nationalités. Une telle durée d’étude sur une même zone est unique et cela continue ! De nouveaux sujets se greffent au fil du temps : équipement des harfangs en balises Argos, recensement des carcasses de bœufs musqués, reproduction du lagopède et de l'avifaune en général, échantillonnage de la flore et du bois flotté, monitoring et baguage du bécasseau sanderling.

    J'ai été intégré dans l'équipe sanderling mais tout le monde participe aux autres études au besoin.

    Arpenter la toundra en long, en large et en travers à la recherche des indices de présence de ces petits limicoles n'est pas toujours excitant. Jusqu’à ce qu’on aperçoive l'oiseau, discret, se fondant à la perfection sur le maigre tapis de végétation arctique. Il se nourrit, marche, nous fait tourner en rond et parfois, nous révèle la position de son nid. Alors, les longues marches se transforment en affûts et on oublie instantanément la monotonie des prospections. Puis tout s’accélère pour procéder aux mesures scientifiques nécessaires à l’étude : installation du piège (trappe en filet commandée par l'assise du parent sur son nid), afin d’isoler les œufs pour les mesurer et dater l’éclosion estimée par la technique de flottaison tout en maintenant une température adéquate à l’aide de mini-bouillottes. Il faut aussi rapidement mesurer, peser, rechercher des parasites et effectuer des prises de sang sur les adultes tout en étant prudent et rigoureux pour limiter le stress. Pendant ce court instant il faut aussi qu’un intervenant équipe le nid d’un capteur-enregistreur de température et le camoufle pour ne laisser aucune odeur de notre passage qui pourrait attirer les petits prédateurs (renards, labbes, …).

    Entre cet enregistreur qu’il faudra changer tous les 11 jours et le suivi de la couvaison à distance, il faudra revenir régulièrement sur le site. En fonction des dates de ponte et des estimations d’incubation, nous devrions être présents pour le jour de l’éclosion afin de baguer les poussins, le plus difficile étant de n’en oublier aucun au risque qu’ils soient abandonnés par les parents.

    Certaines journées resteront inoubliables, comme le jour où en recherchant le lièvre arctique que l’un d’entre nous avait surpris, je me retrouve nez à nez (20m) avec un gros ours polaire mâle que je réveille et dérange au passage. Petit moment de panique pour moi… mais finalement plus pour lui quand toute l'équipe l'a chassé à coup de cris, de fusées éclairantes et pistolets à grenailles.

    Ou ce jour où l'on surprend un renard prédatant les œufs d'un nid que nous surveillons (nid d'ailleurs déjà visité sans prédation mais câble de la sonde mâchouillé et l'enregistreur marqué).

    Ou encore celui où au détour du gros pingo (petite colline formée par une lentille de glace) une harde de bœufs musqués croise notre chemin.

    Et ces fois où nous trouvons les nids de ce couple de plongeons catmarin ou de cette poule lagopède.

    Et puis il y a eu cette journée... Tous les jours, avant de partir du camp, je jette un œil sur la banquise aux jumelles. Mais cette fois, je cours pour confirmer mes soupçons à la longue vue ! Un ours mâle se dirige vers la côte, "notre" côte ! Dans l'excitation, je déstabilise la longue vue et en recherchant de nouveau le gros plantigrade, je tombe sur une ourse et ses 2 grands oursons qui eux aussi se dirigent vers nous. C’est l’euphorie, à la fois parce que ce sont 4 ours qui se rapprochent pour cette première observation mais aussi parce qu’ils se dirigent vers notre camp et que nous pouvons passer de scientifiques à proies relativement rapidement (sentiment assez étrange d'ailleurs!). La décision est vite prise de prendre les devants et d'aller à leur rencontre pour essayer de leur faire changer de chemin. Mais ils sont plus rapides que prévu et nous surprennent trop près du camp. Je suis fou de joie quand les jeunes curieux s'approchent une fois, puis deux, puis trois. Les assauts à la fusée éclairante n'ont pas l'air d'effrayer ces oursons. La tension monte quand l'un d'eux ne s'arrête plus à la projection, nous ne voulons pas utiliser le fusil ! Dernier essai, lui courir après en grognant plus fort que lui et en tirant au pistolet à grenailles, ouf cela fonctionne, ils partent tout les trois ... en direction du bivouac ! Nous voilà maintenant avec 3 ours entre le camp et nous et un gros mâle derrière notre position, pas très à l'aise. En contournant la "dragon creek" (vallon des toilettes) à 100m des tentes, nous arrivons avant les ours et pouvons les repousser sur la banquise. Cette heure restera gravée dans ma mémoire pour longtemps, j'espère qu'elle le sera aussi pour ces oursons afin qu'ils n'approchent plus l'homme. Dans d'autres circonstances, avec d'autres personnes, ils auraient été tués sans trop d'hésitation ...

    Place aux images en attendant d'y retourner !

  • A remote land, hard to reach, wild and hostile despite relatively gentle temperatures for this latitude (0-15°C): North-eastern Greenland is not an easy destination. Only two weak fences protect our six tents, hopefully keeping bears at bay. Just what I like! Except for mosquitoes…

    Above 5°C and with no wind, they quickly become unbearable. The tiniest surface of exposed skin is fiercely attacked and it takes thick fabrics to prevent the bites. So getting undressed to have a shower seems impossible: when the harassment stops, it's because of the wind and then it's the drop in temperature that prevents the shower. There's always the option of a quick dip in the sea when the ice floe allows it but in 1°C water, there's no time to linger.

    This 5 weeks trip on Traill Ø Island was a scientific mission organized by the Groupe de Recherche en Ecologie Arctique (GREA, Arctic Ecology Research Group). Since 1988, volunteers have travelled there to study predator-prey relationships, Arctic foxes, stoats, snowy owls, great skuas and northern collared lemmings. They also monitor temperatures, snow and ice floe conditions, as well as recording numbers and behaviour of polar bears. Thanks to the GREA’s commitment and the good work of international volunteers, several scientific papers have been produced. A long-term study such as this one is unique and will go on! New research topics are continuously added: fitting Argos transmitters on snowy owls, census of muskoxen carcasses, ptarmigan and other birds' reproduction patterns, vegetation and driftwood sampling, banding and monitoring of sanderlings.

    I was part of the sanderling team, but everyone helps out with other studies when needed.

    Criss-crossing the tundra searching for evidence of these little wading birds may not sound exciting, until you spot the inconspicuous bird, perfectly blending with the shallow cover of arctic vegetation. The bird feeds, walking and making us walk in circles, but sometimes reveals its nest location. Then the long walks turn into observations and the monotony of the search is instantly forgotten. Everything accelerates and we proceed with all the necessary scientific measurements. A little trap made of netting and triggered by the adult sitting on the nest allows us to isolate the eggs. We measure them and estimate the hatching date with the floatation method while keeping them warm with little hot-water bottles. The adults are also promptly measured, searched for parasites, and a blood sample is taken. The birds must be handled quickly, with rigorous care to limit their stress. Meanwhile, a temperature recorder is installed in the nest and mask its scent to prevent attracting small predators such as foxes or skuas.

    Between the recorder that needs be changed every 11 days and the remote monitoring of the incubation, we need to visit the site regularly. At the date of the hatching, we need to be ready to band the chicks and make sure that none of them are abandoned by the parents.

    Some days will remain unforgettable.

    There was the day I was looking for an arctic hare that one of us had spotted and found myself within close proximity (20m) of a polar bear that I had woken up and disturbed. After a brief moment of panic on my part, it was its turn to be afraid as the team chased it away in a commotion of shouts, flares and pellet-gun shots.

    On another occasion, we witnessed a fox preying on one of the nests we were monitoring. That same nest had already been visited and no eggs where damaged but the temperature probe had been chewed and the recorder "used" as a marking post…

    The day when, walking around a pingo (a mound of earth-covered ice), we came across a herd of muskoxen, or the days we found the nests of red-throated loons or ptarmigans.

    Then came that most memorable day. Every day before leaving the camp, I would look at the ice floe with binoculars. On this particular day I had to run and confirm the sighting with the scope. A male polar was heading toward the shore, "our" shore! In my excitement, I knocked over the scope and when I managed to find the large animal, I realised that a female bear and her two cubs were now also walking toward us. It was frantic both because it was our first time observing four bears at the same time, but also because they were moving toward our camp. So our status could relatively quickly shift from scientist to potential prey (and that is a strange feeling!). The decision was promptly made to make the first move and go meet them in an attempt to change their course. But they moved a bit faster than we predicted and were already surprisingly too close to the camp. I was jumping for joy when the young curious cubs got closer not once but three times. Our display of emergency flares didn’t seem to have any deterring effect on the cubs. The tension rose a notch when one of them didn’t even flinch at the firing of the flare-gun, but we certainly did not want to use the rifle. Our last attempt was to run toward him and try to growl louder than him, while shooting with the pellet gun. And thankfully it worked, phew! The three of them were leaving… but towards our bivy! So there we were, with three bears between us and the camp, and a big male, just behind us, a very uncomfortable position! Running around the Dragon creek, 100m away from the tent, we reached the camp before the bears and finally we were able to divert them toward the ice floe. This memory will stay with me for years to come, and I hope it will to for these cubs so they stay away from humans. Because, in other circumstances, with other people, their fate would have been sealed without too much hesitation.


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